Je te plumerai la tête de Claire Mazard

Claire Mazard, 2020

Ceci est un roman ados assez dérangeant et hors sentiers battus. Pas d’histoire d’amour qui fait papillonner les sens… Pas de vampire mystérieux et séduisant. Pas de magie, de meurtre ni de course poursuite sur fond de fin du monde.

Et pourtant on est happé, très rapidement par cette histoire et les 512 pages s’avalent en quelques heures. Lilou est au lycée, elle prépare le bac, mais sa mère est à l’hôpital pour une récidive de cancer. Une scène de vie banale assez triste mais bientôt, la gêne pointe dans la description de cette situation.

Ce qui dérange est l’indifférence apparente de Lilou pour sa mère. Au lieu d’avoir pitié ou de ressentir de la tristesse, elle semble surtout agacée de voir sa mère à nouveau malade et affaiblie, et même avoir hâte que tout ça se termine.  Mais le plus étrange est le comportement du père, dont le masque de mari idéal s’effrite au bout d’une cinquantaine de pages. Au lieu de tout faire pour maintenir le lien entre  son épouse  et sa fille adolescente, il semble plutôt tout faire pour que ce lien n’existe pas. Et cela ne semble pas étonner ni déranger Lilou, pour qui, on le comprend, sa mère n’est depuis longtemps qu’un personnage secondaire dans sa vie, car c’est son père, charismatique, séduisant, fantasque, qui occupe toute la place.

Mais à l’initiative d’une visite à l’hôpital à l’improviste, Lilou comprend que son père lui ment. Il lui ment quand il fait mine d’accompagner sa mère dans cette fin de vie. Il lui ment quand il lui dit que c’est sa mère qui ne souhaite pas la voir. Il lui ment en fait depuis des années en se faisant passer pour un père parfait et attentionné, menant de front sa vie professionnelle et familiale sans aucune faille. Et il ment aussi à tout son entourage. L’emprise sous laquelle est placée Lilou depuis sa naissance va peu à peu se fissurer au fur et à mesure de ses découvertes. Et la photo parfaite du père idéalisé par un complexe de d’Œdipe un peu trop prononcé vole alors en éclat.

 

Aborder le thème des relations toxiques entre parents et enfants dans la littérature jeunesse est une gageure, mais Claire Mazard parvient à amener tout en finesse ce sujet et peu à peu, nous accompagnons Lilou dans son énorme prise de conscience.

Un roman très habile et bien écrit, abordant avec réalisme un sujet délicat. Quant à savoir pourquoi le choix de ce titre, il faudra demander à l’auteur !

 
Julia.
 
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